Texte Encore raté ! ciné concert mécanique

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encore raté ! Ciné-Concert-Mécanique

LECTURE

Ci-dessous, les notes pour la présentation du projet de création de spectacle à la journée organisée par Réseau En Scène à Narbonne, le mardi 10 janvier 2017. La présentation durait 12 minutes, votre lecture devrait être plus rapide, normalement. Une fois que vous avez fini, si vous avez des questions, si vous voulez un dossier complet, merci de nous contacter.

Primo, je commence par expliquer le titre.
et même le sous-titre en premier : Ciné-Concert-Mécanique. Un Ciné-Concert, ça, ça va, vous connaissez. Projection d’un film muet (en l’occurrence une séance de courts-métrages) dont la bande-son est produite en direct par des musiciens, en général disposés discrètement sur le côté de l’écran.
Là, on a rajouté “mécanique”, Ciné-Concert-Mécanique, CCM, pour bien stipuler que ce ne sont pas des musiciens (y a pas de musiciens, qu’on se le dise !), mais une énorme machinerie à musique, mécanique, qui exécute la partition sonore de ces films, muets.
Ensuite, Encore raté !
C’est le titre du spectacle et de la séance de cinéma. Et c’est pas pour se vanter, mais on est très fiers de ce titre. On nous a régulièrement fait la remarque que ce n’était pas très enthousiaste, ni très positif. Ce à quoi je réponds : oui, et alors ? Et puis même, le point d’exclamation terminal insinue un entrain, une énergie, une envie, de la niaque … Ce qui est important, c’est le encore. Notez que encore raté !, c’est très différent de toujours raté !. On rate ok, mais on y retourne, et on y retournera, et on y retournera encore jusqu’à … jusqu’au “grand soir”.
Car, pour conclure cette présentation, je précise et j’annonce que la thématique des films (et du spectacle), c’est la révolution, l’engagement.

Deuxio, la lecture d’un texte écrit il y a quelques temps déjà, mais, à mes yeux, toujours valide. Dans le dossier papier pour les cravateux de la DRAC, ça s’appelle “note d’intention”.

Je ne prône pas la lutte armée, mais je ne m’interdis pas de l’envisager.
Dis comme ça, y a de quoi effrayer. Mais, je le redis et je pèse mes mots. J’assume pleinement et vous certifie que ce n’est pas de la provocation.
Lutte (armée ou pas) contre qui, contre quoi ? Les motivations ne manquent pas. Disons que, pour l’occasion, je resterai assez flou et désignerai comme coupable principal notre formidable monde moderne et son capitalisme flamboyant. Force est de constater les considérables dégâts quotidiens et tout azimut, provoqués par ce système gravement vermoulu. On constate, et après, quel est notre engagement ? Pétitions, manif’, militance acharnée, tentatives utopiques et construction d’ilots de résistance …
Alors, ce sera un simple bras d’honneur, un poing levé, un doigt si tu veux, comme un sourire désarmant, à vous, salopards de la finance, puissants dirigeants louvoyants qui m’invitent à voter dans une urne illusoire !
On n’est pas sérieux quand on a 17 ans … Pourquoi le serait-on à 50 ?
Et ouais, j’ai cinquante ans, passés de quelques minutes déjà. 50 ans et pas de Rollex, pas de Kalachnikov non plus et ça me turlupine.
A l’horizon, pas l’ombre d’un tyran fédérateur, d’un Franco vieillissant comme une cible évidente pour enclencher la lutte. Alors, quand, pourquoi et comment ? Franchir le pas, ou pas … Le capitalisme est mortifère, mais c’est un cancer sournois, diffus, sans leader assumé. Quelles têtes couper ? Qui sont les responsables ? Et je n’élude pas le problème suivant, comme un corollaire : ne suis-je pas, moi aussi, à un bien moindre niveau, en tant qu’invité privilégié à cet horrible festin destructeur, une de ces têtes en sursis ? Et vous, ça va ?
Post-Scriptum : Georges Méliès savait-il faire les cocktails Molotov, et à l’instar de l’injonction de Léo Ferré, y rajoutait-il du Martini ? Nous essayerons humblement de répondre à cette question.

Troisio, le descriptif du spectacle
et d’abord, le dispositif scénique …
Imaginez un drive-in piétonnier, une salle de cinéma à ciel ouvert (à priori, possible en intérieur également : hangar, grandes halles, théâtre suffisamment vaste) où le public pénètre via un portail d’usine (que l’on retrouvera à l’identique à l’écran). Des gradins, une jauge pouvant atteindre les 400 personnes.
Dans cet espace, au fond, il y a une boîte à musique géante. Comme une usine à musique (voir Les Temps Modernes de Chaplin, y a de ça et aussi l’inspiration du machinisme agricole). 7m d’ouverture, 3m de haut, 2m50 de profondeur, passerelles, trappes, balcon, échelles, colimaçon (ça fourmille) … De multiples possibilités musicales : batterie de percussions, accordéon, carillon, soufflerie, guitare & basse électriques, klaxons + diverses machineries sonores. L’ensemble est évidemment amplifié, la programmation se fait en direct (et à vue, théâtralement, c’est primordial) en enclenchant des tirettes, changeant des disques en bois ou des rouleaux. 25 ans d’expérience, on sait faire, ça a de la gueule, ça joue juste, ça tourne rond et ça envoie du bois !
Cette imposante structure est surmontée d’un écran de cinéma (3m x 2m). Rideau de velours rouge, bâche publicitaire peinte (idem années ’70). Vidéo-projection des images depuis le portail de l’usine, à l’arrière de la salle.

nota : la boîte à musique et l’écran sont ensemble dans votre champ de vision, les comédiens évoluent devant, dedans, dessus et se faufilent entre … mieux que la 3D, c’est du cinéma vivant !

Après le décorum, le jeu théâtral …
Nous allons poursuivre le style de jeu que nous avions initié dans nos précédents spectacles : Rénovation Façades et Ouvert Pour Inventaire. Des personnages muets, mais ce n’est pas du mime. Des à-quoi-bonistes désespérément loufoques, c’est une bonne définition.
cf l’àquoiboniste, chanson de Gainsbourg superbement interprétée par Jane Birkin et désespérément loufoques, un putain de bel oxymore, non ? Loufoque, seul mot issu de l’argot louchébem à avoir réussi son passage (à ma connaissance) dans le petit Larousse, officiellement dans le dico ! Et qui, à l’origine, étymologiquement, veut dire fou, faut pas l’oublier. La folie, le désespoir, à quoi bon … ça m’amuse terriblement.
Là-dessus, rajoutons du comique de répétition (j’adore), une pincée de théâtre absurde, un doigt d’intime burlesque (car y a de l’humain là-derrière, et énormément) et de la chorégraphie utilitaire (chaque geste, précis, harmonieux, a sa justification technique). Des images avec des émotions en filigrane (filigrane, bien retenir ce mot).

Deux mots du scénario …
Commençons par le scénario des films : A savoir que tous les films sont écrits, tournés et réalisés spécialement pour l’occasion, ce n’est pas une mince affaire ! Différents styles, dans une esthétique (traitement de l’image) un brin nostalgique, disons vintage pour faire un peu moins “vieux con” (entre 1900 et 1970), mais on se contrefout des anachronismes. Il y a un acteur principal (qui est aussi présent dans le spectacle), deux rôles secondaires (deux vieux sur un banc baladeur), et des dizaines de figurants.
Et là, je fais le distingo entre les échappées et les vignettes.
A l’écran, vous verrez tel un refrain lancinant, un flux continu d’ouvriers sortir d’une usine utopique (cf. sortie d’usine des frères Lumière), via le portail dont on a parlé précédemment. Il y aura 3 échappées de l’acteur principal. Dès le seuil franchi, il part en cavale dans une sorte de road-movie pathétique.
Une première échappée sur une mobylette, une deuxième échappée à vélo, la troisième à pied. Lors de chaque périple, il fera trois rencontres avec les deux personnages assis sur un banc. On retrouve ce même banc dans    différents endroits, souvent saugrenus. Au final de sa dérive, l’ouvrier aventurier déboule, au bout du compte, devant le portail de l’usine et ça recommence.
Encore raté !, vous comprenez mieux le titre ?
En résumé : Sortir, parcourir le monde, espérer meilleur. Et ça s’enlise, ça déraille, ça déconfiture. Paysages désertés, ruines florissantes, rencontres hallucinées, décalées & dérisoires, décrépitude, les murs qui tombent en frites …
Et puis retour comme un entonnoir.
Chaque échappée dure une dizaine de minutes. Noir & blanc, comme tournée en 1920. Et entre chacune d’elles, pareil à un interlude, deux ou trois vignettes …
Les vignettes donc, deuxième point du distingo …
Un format très court (une à deux minutes maxi). Une respiration dans le programme, du rythme, de la variété, une publicité, une recette de cuisine (toujours révolutionnaire), du dessin animé … Le tout principalement en couleurs.
Nota : en sus, y aura d’autres surprises cinématographiques, en particulier une intro explicative sous forme de reportage.

ensuite, le scénario du spectacle …
Il y a trois comédiens, dont un (celui qui s’échappe) très présent à l’écran. Et j’ai envie de dire qu’il ne se passe rien de spécial, simplement ils s’activent sur la machine, enclenchent les manettes, changent les disques, montent le son. Pas de narration, ça raconte que dalle, si ce n’est mille petites choses du quotidien, l’air de rien, des émotions en filigrane. (je vous avais dit de bien noter ce mot : FI-LI-GRANE). Le focus passe allègrement de l’écran aux comédiens et réciproquement et souvent, ça se mélange. Avec parcimonie (parce qu’on n’est pas là que pour rigoler), nous jouerons des possibilités d’interactions entre l’écran et le spectacle.
Durée prévue 1h / 1h20.
Nota : en sus du portail, plusieurs objets sont à la fois dans le film et dans le spectacle : la mob, le vélo, le banc …

Et pour clore ce chapitre, l’équipe de création …
Les principaux, dans l’ordre alphabétique : Estelle Brun / Vincent Capes / Eva Castro / Noël Godin / Philippe Grivot / Jacques Larguier / Pépé Martinez / Pierre Pélissier / Alain Pitrel / Jean-Marc Rouillan / Fred Rebière
Maintenant, un petit jeu, SAUREZ-VOUS LES RECONNAITRE ?
Dans cette liste, il y en avait … Une qui a travaillé quelques temps avec Ariane Mnouchkine, un autre qui a débuté sa carrière sous les ordres de Jacques Tati, un troisième qui a cambriolé la Caisse d’Epargne d’Alès, celle où ma grand-mère avait ses économies. Craché, juré, tout ceci est authentique !

Quatrio, quelques pépites savoureuses en guise de conclusion.
D’abord, le scénario du dessin animé. D’une durée d’à peine 1min30s, c’est une part anecdotique du spectacle. Mais ça indique assez bien l’état d’esprit général.
Titre : Woody vs Adolf, en noir&blanc, style Félix le chat.
Une affiche d’un combat de boxe, Woody Guthrie contre Adolf Hitler. Woody Guthrie, FolkSinger américain des années ’30 à 50′ qui parcourait les Etats-Unis en chantant ses chansons militantes. Bluesman itinérant, hobo dont la guitare était ornée d’un fameux slogan : “cette machine tue les fascistes”. Précurseur et père spirituel, de Bob Dylan et Jack Kerouac (excusez du peu). Face à lui Adolf Hitler, qu’hélas, on ne présente plus.
1 – Adolf à la tribune éructe son texte face à une foule en délire.
2 – Woody arrive et lui chante sa chansonnette.
3 – rien ne se passe, Woody regarde sa guitare (incrédule) et le sticker “this machine kills fascists”, la réaccorde et recommence.
4 – Adolf continue comme si de rien, toujours aucun effet.
5 – alors Woody s’approche, prend sa guitare par le manche et en assène un violent coup sur la tronche à Adolf, compté 10, KO !
6 – Woody s’en va au loin, un panneau :
“La non-violence a des limites qu’il faut parfois savoir dépasser”.

Et pour terminer en beauté, Jean-Marc Rouillan et Noël Godin.
Le terroriste d’Action Directe et l’entarteur belge. Je n’aurais rien à dire de plus que : lisez leurs livres, apprenez à les connaitre. Je suis en contact avec Jean-Marc depuis une dizaine d’années et c’est lui qui m’a tuyauté sur Noël (précédent film commun, Faut savoir se contenter de beaucoup, de Jean-Henri Meunier, sortie janvier 2016, beau film, bonnes critiques, voir Télérama du 10 février 2016). Associer les deux, ça fait vraiment de belles étincelles. Leur présence amicale dans le spectacle (uniquement à l’écran, ce sont eux les deux vieux sur le banc, entre autres) était pour moi primordiale. Mais comme beaucoup de choses, elle restera … en filigrane.
Ils sont venus tourner durant 4 jours extraordinaires et inoubliables (ça y est, c’est dans la boîte). Ce sont des mecs formidables, merci à eux.
Et avec tout ça, avec eux, nous ambitionnons de faire un spectacle tout public (accessible à tous), plein d’humour, de rage et de poésie, eh oui …
Alors, sur les traces de ces affectueux dinosaures qui y ont engagé toute leur vie, engageons-nous pleinement et artistiquement.
Encore raté !, peut-être. L’important est d’avoir essayé.
Et de continuer. Allez zou !

Merci d’avoir lu jusqu’au bout.
amicalement,
Pierre Pélissier